Article de Pierre Dardot et Christian Laval paru dans Mediapart le 25/03/2017
Au cours du débat télévisé du lundi 20 mars, François Fillon est apparu bien effacé et bien terne. On avait peine à reconnaître celui qui en avait solennellement appelé au jugement du peuple contre la justice. Cet appel a-t-il marqué un tournant ? On a relevé que l’axe de l’indépendance de la justice avait disparu subitement de son programme. On s’est à bon droit inquiété de la condamnation du « racisme antifrançais » par le même individu dans un meeting à Caen le 16 mars dernier, expression dont on sait qu’elle fut forgée par Jen-Marie Le Pen en 1977. On s’est à juste titre scandalisé de la caricature antisémite de Macron publié sur Twitter le 10 mars par Les Républicains. Cependant, la seule question qui vaille est de savoir comment interpréter ce qui ne relève pas d’écarts de langage mais d’une stratégie mûrement réfléchie. Dans un entretien au Monde, Pierre Rosanvallon a parlé à propos de la déclaration de Fillon de « tournant populiste » dans la campagne présidentielle, tout d’abord pour réunir Poutine, Orban, Trump et Erdogan sous ce terme de « populisme », ensuite pour associer Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon dans une même « culture populiste ». Selon Pierre Rosanvallon, ce qui serait en jeu ce serait une « conception de la démocratie » caractérisée par un refus des « pouvoirs neutres », c’est-à-dire irréductibles au pouvoir de la majorité électorale (cour constitutionnelle, autorités judiciaires, etc.). Mais quel crédit peut-on accorder à une catégorie dont le sens est aussi flexible?
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